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Les élevages bovin viande bio rentables, malgré seulement 0,05 €/kg de plus qu’en conventionnel

L'écarte de prix entre bio et conventionnel s'est restreint au fil des ans, mais les exploitations bovin viande sous label AB restent rentables grâce à une bonne maîtrise des charges, et des systèmes autonomes.

Malgré une baisse des conversions en agriculture biologique à partir de 2022, la filière viande bovine bio se porte bien, tirée par les prix élevés de la viande. Plusieurs études menées sur le terrain révèlent des modèles économiquement viables, et moins soumis aux aléas et variations de charges.

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Après plusieurs années de croissance, le cheptel bovin bio a atteint un pic d’environ 228 000 vaches allaitantes en 2022, avant de légèrement reculer. En 2024, il représente 6 % du cheptel national. Cette inflexion s’explique par la baisse des conversions depuis 2022 et une conjoncture redevenue favorable au conventionnel. Pour autant, la demande reste dynamique, et la décapitalisation du cheptel national tire les prix vers le haut. Ainsi, l’écart de prix entre animaux bio et conventionnels, de 0,65 €/kg carcasse en 2020, n’est plus que de 5 centimes en 2024, mais les prix suivent une tendance haussière commune. Les éleveurs bio conservent une plus-value, notamment sur les produits transformés : en juillet 2025, le steak haché bio se vendait autour de 21 €/kg, contre 15 € en conventionnel. Alors que l’écart bio-conventionnel avait chuté, passant de 4 €/kg en mai 2022 à 3 €/kg en janvier 2023, l’écart se creuse à nouveau, à 4,5 €/kg à l’été 2025.

Des fermes plus petites mais performantes

Les élevages biologiques sont généralement de taille plus modeste : environ 50 vêlages par an contre 70 en moyenne conventionnelle. Mais leurs performances économiques sont solides. Selon les données 2022 du réseau Inosys, un dispositif de production de références technico-économiques piloté par les Chambres d’agriculture, l’excédent brut d’exploitation (EBE) atteint en moyenne 59 950 € par unité de main-d’œuvre (UMO). Les exploitations conventionnelles dégagent en moyenne des résultats similaires. En ce qui concerne les 25 % d’exploitations les plus efficientes, celles conduites en agriculture biologique affichent une performance supérieure aux conventionnelles (81 286 € pour les exploitations bio, contre 68 700 € pour les conventionnelles).

Des enquêtes menées en Pays de la Loire, Deux-Sèvres et Charente-Maritime entre 2021 et 2023 confirment l’intérêt économique de la filière. Les exploitations bio atteignent en moyenne 2,3 Smic/UMO, que ce soit des élevages naisseurs, ou naisseurs-engraisseurs, contre 1,3 Smic en naisseur conventionnel, et 1,8 Smic en naisseur-engraisseur conventionnel. Christophe Grosbois, chargé de mission Filière viande bovine pour la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire indique ainsi, « près de 70 % des éleveurs bio dépassent les deux Smic ».

Une bonne maîtrise des charges

Cette efficience repose sur des charges maîtrisées : les systèmes bio sont par définition plus autonomes, et donc moins dépendants des fluctuations des marchés des aliments du bétail, un poste en hausse ces dernières années. Les fermes bio utilisent en moyenne 189 kg de concentrés par UGB, contre plus du double en conventionnel. L’autonomie protéique atteint plus de 90 %, et les consommations d’énergie sont réduites : 58 litres de carburant par hectare en bio contre 83 l/ha dans les systèmes conventionnels, et 75 l/ha pour les conventionnels les plus efficients. Les systèmes bio n’utilisent aucun azote minéral, tandis que les conventionnels utilisent en moyenne 20 unités d’azote/ha, et 17 unités/ha pour les fermes les plus performantes. Enfin, les données issues des réseaux Inosys et Cap’2ER, un outil d’évaluation des impacts environnementaux, montrent une empreinte carbone moyenne de 12,6 kg CO₂e/kg de viande vive pour les naisseurs-engraisseurs bio, soit un niveau comparable aux meilleurs systèmes conventionnels.

Sur la question de l’installation, « le nerf de la guerre », selon Christèle Pineau, du pôle Bio Massif Central de l’institut de l’élevage, les exploitations bio seraient plus faciles à reprendre que les exploitations conventionnelles. « Il faut 6,5 € de capitaux pour dégager un euro d’EBE en atelier viande bio, alors que le conventionnel nécessite 7 € » explique-t-elle.

Des modèles diversifiés et résilients

Mais les performances de la filière bovin viande bio tiennent aussi au type d’animaux produits. Dans le Massif central, les ateliers de bœufs se distinguent par des performances en nette progression : entre 2022 et 2023, leur excédent brut d’exploitation (EBE) a augmenté de 13 %, pour atteindre 48 065, soutenu par la remontée des cours, jusqu’à 3,37 €/kg vif en moyenne, et une baisse de 12 % de l’usage de concentrés. Cette dynamique s’explique par la conjoncture favorable aux gros bovins et par de bonnes performances techniques après plusieurs années de sécheresse. À l’inverse, les éleveurs de veaux sous la mère ont connu une année plus stable : leur revenu disponible s’est maintenu autour de 23 000 € par UMO, malgré un léger recul des prix et une hausse modérée des charges d’alimentation.

Encore beaucoup d’incertitudes sur les cours du marché

Les exploitations bio disposent aussi de débouchés diversifiés : vente directe, circuits courts, vente de reproducteurs. Les éleveurs vendent parfois leurs animaux plus jeunes et plus légers pour réduire les achats d’aliments en période de tension. Ces stratégies permettent de préserver la trésorerie et d’amortir les chocs conjoncturels. Pour autant, Philippe Halter, du pôle Bio Massif Central de l’institut de l’élevage, rappelle que les fluctuations récentes ont brouillé les repères de façon inédite : « Cette année 2025 a fait un grand bond, il faudra voir à la fin de l’année où l’on en est, si cela fait un nouveau palier et que les choses se stabilisent, auquel cas nous pourrons nous servir des prix actuels comme de nouvelles références, mais pour le moment, nous avons une longueur de retard par rapport à ce qui se passe dans la filière. »

Pour sécuriser l’installation et les investissements, il recommande aux jeunes « d’investir dans un cheptel de qualité, quitte à acheter moins d’animaux, mais avec une bonne base génétique et un contexte sanitaire le plus sain possible. Aujourd’hui de toute façon, comme les produits se vendent bien, même avec moins d’animaux, il est possible de dégager un revenu correct, pour bien démarrer. »

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